Parce que Marseille se place championne du monde dans la répartie orale et réinvente sa langue chaque jour, parce que la vie des femmes et leur liberté comptent beaucoup pour nous, il nous semble évident de vous parler d’un personnage culte de la ville : la poissonnière (peissouniero en provençal), Honorine pour les amis.
Affublée de ses 2 larges paniers de part et d’autre des hanches, de sa balance romaine accrochée à la ceinture, la poissonnière traditionnelle portait un costume populaire composé d’un jupon de piqué de coton, d’un châle croisé, d’un gros tablier en toile à voile et d’une petite coiffe blanche en gaze. Ses jambes étaient habillées de bas violets, teints à l’indophénol qui avait la propriété de résister mieux à l’iode. Peu à peu, sa jolie coiffe a disparu mais pas sa hardiesse, véritable passe-droit pour faire face à des conditions de travail difficiles.
Sa réputation ou sa mauvaise réputation était donc liée à son langage. Avec une verdeur particulière, la poissonnière marseillaise vendait à la criée « Anas a la pescarie, l’y a fouesso pey, es fresc et a bouen marcat » (« Allez à la poissonnerie, il y a beaucoup de poisson, il est frais et à bon marché. ») le poisson pêché par son mari. Tous les matins de tous les jours de l’année sauf le dimanche, elle s’époumonait, alpaguée par les uns et les autres. Très vite, les poissonnières se sont regroupées pour devenir une sorte de collectif de femmes assez redoutable à qui il ne fallait pas la raconter ! Véritables powerwomen, elles invectivaient, en rajoutaient mais gardaient toujours l’œil ! Réputées pour leur franc-parler et soupçonnées de ne pas toujours vendre du poisson frais, elles avaient réponse à tout et charité bien ancrée !
Dans notre quête des objets de tradition d’ici, nous nous sommes intéressées au panier de la poissonnière et l’avons fait réaliser à notre façon par Kim Anh Le Thi. Nous avons conservé cette proportion basse, l’osier brut non écorcé et avec une petite esquisse dessinée sur le côté de sa table, Kim a tressé cette belle pièce décorative qui fait écho à ces formidables personnalités.
Des femmes qui aujourd’hui encore participent à la saveur particulière de la ville de Marseille.